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12/01/2012

Mon expérience de Holacracy – Lionel

Depuis que je me suis engagé dans un cursus de formation en Holacracy, d’importantes limites de mes outils et concepts actuels et habituels de consultant en gouvernance et en intelligence collective, ont été mises en évidence.
L’intention de cet article est partager les enseignements que j’en ai tirés, et de témoigner d’une vision nouvelle, novatrice et plus complète de la gouvernance

Témoignage ce que j’ai observé et vécu au sein d’organisations

Je vais prendre deux contextes, deux exemples récents (2012), deux expériences : une administration (un service du ministère de la justice qui accompagne des jeunes en réinsertion sociale et professionnelle), et entreprise coopérative sous statut SCOP.
Le service d’une administration d’accueil de jeunes

  • Pas de « fiche de poste » clairement établies sur les missions et le « territoire d’intervention » des un(e)s et des autres, et en conséquences tensions et vis à vis de la hiérarchie, et entre des collègues de travail qui pourraient envahir le territoire de travail des une(e)s et des autres…
  • Pas de méthode permettant de dire ce qui va et ce qui ne va pas en réunion, sans se sentir dans l’insécurité, pas de méthode pour prendre des décisions à travers lesquelles chacun des membres de l’équipe consent au choix final, pas de moyen de traiter et de décoder les tensions des membres de l’équipe, pas de règles du jeu relationnelle permettant aux plus discrets notamment, de s’exprimer et de dévoiler leur regard particulièrement pertinent, sentiment de ne pas être entendu…
  • Aussi incroyable que cela puisse paraître, pas de clarté ni de convergence collective sur la mission, la finalité, (la raison d’être) du service, tant par le personnel que par la directrice elle-même
  • Des personnes qui n’apparaissent pas toujours (implicitement et explicitement) à leur place de par leurs talents, leurs qualités
  • Des personnes présentes à certaines réunions sans avoir à dire quoi que ce soit, juste en tant qu’observatrice, car en dehors de leur champ d’intervention
  • Une forme d’épuisement, de découragement individuel, de victimisation (c’est la faute à l’autre), une absence de vision future, des tensions qui émergent, un sentiment d’impuissance
  • Des tensions qui soulignent les dysfonctionnements organisationnels et structurels, mais exprimées et traitées comme des difficultés personnelles qui sortent ces tensions du contexte du projet de service, et donc de sa possibilité d’évoluer

Une entreprise SCOP

  • qui souhaiteraient fonctionner en mode « management participatif » mais qui n’y arrive pas. Pourtant, les valeurs communes sont affichées dans la charte…
  • Des dirigeants salariés ouverts, ayant tout essayé : coaching, analyse transactionnelle, travail sur les valeurs de l’organisation, démarrage d’une formation-action en sociocratie, etc… sans arriver à leurs fins, c’est à dire sans parvenir à incarner les valeurs internes de la charte et d’une entreprise dite coopérative en statut SCOP
  • Des tensions qui divisent les salariés-dirigeants, des départs, une ambiance malsaine et désagréable pour tous, mais sans solution, persistante
  • Des salariés-dirigeants qui proposent des interventions qui diffèrent du cahier des charges initial par besoin de créativité, d’autonomie et (de mon point de vue) d’alignement intérieur, mais qui créent des écarts et des tensions avec le leader de la SCOP (qui n’est pas d’accord) et, bien sûr, le client

Les enseignements que je retire de ces expériences et de ces constats, à travers mon filtre personnel et les réponses apportées par Holacracy.

Pourquoi les approches actuelles en matière de gouvernance et de développement personnel ont tant de mal à apporter des réponses globales et efficace dans le temps aux organisations ?
Le service d’accueil de jeunes (administration) vit naturellement des tensions, à partir du moment où la raison d’une part, les rôles à énergétiser au sein d’une organisation d’autre part, ne sont pas clairs. Insécurité et manque de sens

  • Encore faut-il que ces rôles répondent aux besoins de la raison d’être de l’organisation. D’ailleurs, les tensions exprimaient souvent ce décalage tout en laissant chacun(e) (y compris moi en tant qu’intervenant), dans l’impuissance, puisque tout fonctionne à l’envers : il faudrait reconstruire la raison d’être de l’organisation, et définir ses besoins à travers rôles et actions (tâches, redevabilités…)…
  • Quand on voit que les tensions sont légitimes, mais sans espace pour les accueillir, et encore moins pour les traiter, on comprend l’insatisfaction et le découragement au sein de ce service public œuvrant auprès de jeunes. Manque de sens, manque de méthode, de structure, manque d’espace de communication, manque d’efficacité… ces jeunes qui ont manqué de loi et de lien se retrouvent à nouveau dans un environnement qui souffre d’un manque de loi et de lien lui aussi…
  • L’erreur, manque d’autre solution, serait de mon point de vue de traiter les tensions en tant que difficultés personnelles ou comme espace de médiation, ce qui peut être une bonne solution à court terme, mais pas à long terme car cela n’apporte aucune solution de changement. Les souffrances étaient l’expression de « trous dans la raquette » de l’organisation, c’est à dire de dysfonctionnements et de manques dans le fonctionnement du service, de besoins d’évolution à engager pour améliorer et réajuster ce fonctionnement.
  • L’autre erreur me semble-t’il serait de traiter la raison d’être et les valeurs du projet de service sans travail autour de la stratégie, de la gouvernance et de l’opérationnel, sachant que la raison d’être s’affine dans le temps grâce aux espaces dédiés dans les cercles stratégiques, de gouvernance et opérationnels… qui permettent ce travail d’affinage… Tout comme pour la raison d’être (la mission personnelle) d’un être humain avec le temps des expériences. Autrement dit, identifier les valeurs et la mission d’une organisation ne sert à rien si elle n’est pas traduite derrière
  • Auparavant, j’aurais proposé d’implanter la sociocratie comme processus de fonctionnement global de l’organisation, mais je crains que cette réponse ne fasse que renforcer un « nous » fusionnel (centré sur les « egos », les souffrances / difficultés d’ordre personnelles) sans traiter de la structure même de l’organisation (notamment – la raison d’être et ses différents espaces : stratégie, gouvernance, opérationnel ; les rôles ; les tensions)… Avec le risque de rester focalisé sur les souffrances en tant qu’ego des individus, et non en tant que signaux de dysfonctionnement et de besoin d’évolution de l’organisation
  • Mieux, considérer les tensions comme potentiel d’évolution de l’organisation et accompagner ce changement répondraient, pour le service et son personnel, aux souffrances humaines exprimées, et permettraient à tous (les individus comme l’organisation) d’évoluer et de s’épanouir

Quant à l’entreprise SCOP, elle a essayé beaucoup d’approche pour incarner ses valeurs (l’humain est considéré premier plan…), mais avec un aveu d’impuissance

  • Les solutions testées abordent la dimension participative, l’individu et son développement personnel, ce qui est une bonne chose en soi, mais cela n’apporte pas de solution à une gouvernance durablement épanouissante
  • Les comportements en retrait de certains, les départs d’autres, traduisent pour ma part des tensions, des « trous dans la raquette » de l’organisation non traitées. Impuissance = souffrance = retrait = pour ne plus souffrir = réactions saines
  • Quant aux désirs de certains d’occuper leur espace de liberté et de créativité, cela me semble sain là également, mais pas en adéquation avec le fonctionnement actuel de l’organisation.
  • Holacracy là aussi apporte sa réponse, mais il faudrait reconsidérer la raison d’être de l’organisation, ses besoins (rôle…) pour pouvoir offrir cet espace de « souveraineté individuelle », sain et bénéfique pour le personnel en place…

En conclusion

  • Ma formation en Holacracy une fois engagée, j’ai très rapidement perçu sur le terrain auprès d’organisations les limites, tensions et manques identifiés comme l’incapacité des outillages actuels à y répondre durablement
  • Mon regard s’est considérablement ouvert et transformé avec la technologie Holacratique
  • Ces tensions humaines sont des aveux d’impuissance qui demandent un changement et des solutions auxquels le modèle pyramidal d’une part, les modèles centrés sur la personne d’autre part, ne peuvent de mon point de vue pas répondre. En ce sens, Holacracy m’apparaît aujourd’hui comme le modèle le plus abouti
  • Le management participatif, coopératif, est une bonne chose en soi, utile et pertinent mais dans certains contextes, et je le pratique toujours et encore. Cependant, il ne constitue plus désormais à mes yeux une réponse autonome et durable en termes de sens, de respect, d’épanouissement des individus, et d’efficacité.
  • La sociocratie, je l’ai compris à présent, n’a absolument rien à voir avec Holacracy (bien que l’on y retrouve l’ensemble des ses règles et processus). Non pas qu’elle soit mieux ou moins bien, mais qu’elle est autre chose, différente et ce au moins pour deux raisons :

1. D’une part, la sociocratie ne propose pas les différents espaces de fonctionnement (stratégie, gouvernance, opérationnel, etc…) nécessaires au bon fonctionnement de toute organisation,

2. D’autre part, et surtout, la sociocratie constitue un modèle centré sur le « Nous » à la dimension « horizontale », alors que Holacracy est une approche centrée sur le « Je », l’organisation, la structure, à la dimension « verticale », alignée, au service de la souveraineté de l’organisation et des individus qui l’énergétisent

  • Cet alignement par le vertical et les processus piliers, « sacrés » de Holacracy, apparaissent pour certains comme rigides : or, et c’est la magie et tout l’intérêt des processus de Holacracy, c’est le cadre lui-même qui crée la souplesse et facilite l’émergence de la coopération et d’une intelligence collective, des relations saines, et l’épanouissement des personnes qui vivent l’organisation… Le cadre redonne le pouvoir aux individus, aux personnes qui y travaillent, aux salariés… tout en étant le garant de sécurité au service de l’organisation. Il offre ainsi un processus de rééquilibrage et de réajustement permanent « au service de la vie » pourrait-on dire.
  • Je mesure donc les limites des approches centrées sur l’humain pour promouvoir des organisations où il fait bon vivre. Holacracy est un modèle évolutif et « révolutionnaire » parce que centré sur l’organisation défusionnée des individus, des égos et des jeux de pouvoir ; et il faut un « schift » pour comprendre qu’au contraire, elle est la meilleure garante pour apporter un fonctionnement durable sain, à équivalence, vecteur de souveraineté individuelle ; donc une organisation humainement, socialement et économiquement en bonne santé
  • Enfin pour ma part, dans le cadre de mes recherches de modèles de gouvernance écologiques, porteurs de sens, au service de la souveraineté individuelle et applicables sur la durée, Holacracy est à ce jour le modèle le plus abouti et le plus complet :

1. Il s’inspire du fonctionnement de la nature selon une approche écosystémique

2. Il est centré sur la raison d’être de l’organisation elle-même considérée comme un être vivant ; la « gouvernance » reste juste et alignée

3. Elle s’appuie sur l’intelligence intérieure (émotionnelle) afin de proposer un réajustement créatif permanent et garantit donc évolution et équilibre.

4. Holacracy est centrée sur l’être et non sur le faire : c’est en quelque sorte l’être de l’organisation et des individus qui guident le faire, grâce à des processus « sacré », piliers de l’organisation

5. C’est un modèle organisationnel incroyablement porteur de sens

6. C’est pour ma part une des technologies les plus abouties aujourd’hui pour s’appuyer sur l’intelligence humaine, les talents individuels, la prise de responsabilité personnelle et la créativité au service de l’organisation

Merci IGI Partners d’avoir contribué pour moi à cette grande et belle découverte

Auteur

Bernard Marie CHIQUET

Il a été plusieurs fois entrepreneur et dirigeant de grandes entreprises : Executive Director chez Capgemini, Senior Partner chez Ernst & Young, Président-Fondateur de Eurexpert. Dans un deuxième volet de sa carrière, il a acquis une compétence d’executive coach (HEC), de médiateur (CAP’M) et coach en Holacracy® depuis 2011 et Master Coach depuis Janvier 2013, le plus haut niveau de certification.

Durant toutes ces années en tant que dirigeant, il a constaté que les organisations étaient sources de beaucoup de gâchis d’énergie et humain. “Comment avoir une structure organisationnelle simple, explicite, sans jeux politiques et de domination, qui s’adapte aussi vite que le changement lui-même et permet à l’être humain de libérer son potentiel ?” C’est pour répondre à cette question et trouver des alternatives au modèle hiérarchique pyramidal qu’il a fondé l’institut iGi en 2007 (aujourd’hui renommé Nova Consul), First Holacracy® Premier Provider depuis 2010.

Aujourd’hui formateur, consultant en organisation, coach, conférencier, professeur à l’IAE Lyon School of Management (Université Jean Moulin Lyon III) et intervenant à HEC Executive Education, centré sur l’évolution des modes de gouvernance et le leadership, Bernard Marie CHIQUET a crée le Management Constitutionnel®, aboutissement de ses recherches, pour apporter des solutions concrètes, sortir du statu quo et libérer les organisations.

 

 

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